Interview de Robert Huygh, créateur de fromage à macher pour chien
En 2019, j’ai eu le plaisir de rencontrer Robert Huygh sur un salon animalier parisien où il venait présenter sa nouveauté : le fromage à mâcher pour chien.
Très vite emballée et convaincue par le récit de son parcours et des bienfaits de ce nouveau produit encore peu connu en France, je décide de lui acheter son stock restant en fin de salon pour le tester auprès de sa clientèle !
Le succès est incontestable, le fromage à mâcher made in Belgium va faire le bonheur de tous les chiens, moi y compris, et des propriétaires de chiens soucieux de trouver des friandises à mâcher saines, durables et efficaces contre le tartre !
Je ne résiste pas au plaisir de vous faire découvrir Robert Huygh, un homme passionné et passionnant au travers d’une interview réalisée en bonne camaraderie !
Le fromage à mâcher : une idée venue du Népal
Robert, bonjour et merci d’avoir accepté de participer à cette interview !
Je t’ai présenté comme un passionné du Népal et pour cause, tu y es allé pas moins de 31 fois, tu as gravi deux fois l’Everest pour atteindre son sommet en 2004.
" EST-CE À CES HAUTEURS QUE L'IDÉE T'EST VENUE DE FABRIQUER LE FROMAGE À MÂCHER POUR CHIENS ? "
ROBERT :
" L’idée est venue du salon global Pets à Orlando aux USA où nous étions installés juste à côté d’un Népalais qui avait remporté le premier prix de l’innovation pour le fromage à mâcher pour chiens en Amérique.
Je décide de ramener quelques barres de ce fromage à mâcher pour le donner au chien de ma fille qui se régale littéralement de cette friandise !
Pourtant, bon mâchouilleur, le fromage résiste aux crocs de son chien
J’ai voulu importer ce produit du Népal pour le vendre en Europe, mais on n’a pas eu l’autorisation du service sanitaire en Belgique, car il y a une loi européenne qui interdit d’importer des produits à base de lait en provenance de l’Asie."
" Alors si je ne peux pas les importer, j’ai décidé de les fabriquer moi-même ! "
" TU AS EU UN PARCOURS POUR LE MOINS ATYPIQUE. QUELS SONT LES MÉTIERS QUE TU AS FAIT AVANT DE TE LANCER DANS LA FABRICATION DES FROMAGES À MÂCHER POUR CHIENS ? "
ROBERT :
"Au départ, je travaillais dans l’importation des grandes marques internationales pour la distribution au Benelux.
En 1988, je me suis lancé dans la boulangerie industrielle et plus précisément le pain surgelé. Au moment où je décide de vendre cette activité, j’avais sept unités de production et plus de mille employés."
FANNY :
"Passionné du Népal, homme d’affaires dans les produits laitiers, la fabrication de fromages venus du Népal semblait être écrite pour toi."
"QUEL A ÉTÉ POUR TOI LE PLUS GROS DÉFI DANS LE DÉMARRAGE DE CE PROJET ? COMBIEN DE TEMPS ÇA A PRIS ENTRE LA DÉCISION DE TE LANCER DANS LE PROJET ET LES PREMIÈRES BARRES DE FROMAGE MISES SUR LE MARCHÉ ? "
ROBERT :
"Comme le produit ne pouvait pas être importé du Népal, j’ai décidé de me donner les moyens de le fabriquer moi-même.
La fabrication de ce produit nécessite beaucoup de lait (c’est-à-dire 30 litres pour faire un kilo de fromage). J’ai donc commencé par prendre la majorité dans la deuxième plus grande laiterie de Belgique.
Puis je suis allé trois fois quinze jours au Népal avec des collaborateurs et techniciens pour apprendre le procédé de fabrication chez les petits producteurs locaux. Ensuite ça a encore pris 18 mois pour aboutir le produit. Il y a 32 critères à respecter scrupuleusement sinon le produit est bon pour la poubelle."
"J’IMAGINE QUE LE PROJET A CONNU DES HAUTS ET DES BAS.
QUELLE A ÉTÉ POUR TOI LA PLUS GRANDE DIFFICULTÉ POUR ABOUTIR À LA RECETTE FINALE ?"
ROBERT :
"Comme je viens de le dire, il y a 32 critères dont il faut tenir compte pour sortir une barre de fromage à mâcher pour chien qui soit à la fois digeste pour le chien et suffisamment résistant. Si ces 32 critères ne sont pas respectés, le produit est bon pour la poubelle.
Le plus grand défi a donc été de valider strictement tous ces critères lors des différents tests de production pour aboutir à la recette finale, fidèle au procédé de fabrication et au savoir-faire népalais.
Avant d’y parvenir, nous avons jeté plus de 60 tonnes de fromages avant d’aboutir à la recette idéale … "
Un produit complexe à réaliser
Pour avoir suivi l’évolution et l’optimisation de tes différentes productions de fromage à mâcher, le procédé de fabrication est assez complexe et long.
PEUX-TU NOUS RAPPELER QUELQUES CHIFFRES ? COMBIEN DE LITRES DE LAIT POUR FAIRE UN FROMAGE, COMBIEN DE TEMPS ? QUELLE EST LA DÉPERDITION DE POIDS AU COURS DES TROIS MOIS D’AFFINAGE ?
ROBERT :
Pour faire un kilo de ce fromage à mâcher, nous avons besoin de 30 litres de lait.
Pour faire une barre de 60 g séchés, nous partons d’une barre de 140 à 150 g, car on perd quand même 80 à 90 g pendant la phase d’écrémage et d’affinage de trois mois, soit une fois et demi son poids final !
Il faut 12 à 14 semaines d’affinage pour que le produit puisse être vendu sur le marché et tenir toutes les promesses de résistance et de durabilité. Et pour les grandes tailles type Killers de 500 g ce n'est pas mois de huit mois d’affinage qu’il faut au minimum.
QUELLES SONT POUR TOI LES PLUS GRANDES DIFFÉRENCES ENTRE LES FROMAGES PRODUITS AU NÉPAL ET LES FROMAGES QUE TU PROPOSES AUJOURD’HUI ?
ROBERT :
"Le grand problème, c'est d’abord la couleur puis la taille. Tout ce qui est produit au Népal ou dans le nord de l’Inde, sont des barres de grandes tailles.
Ils ne produisent certainement pas de petites tailles. Mais les petits chiens ont aussi droit à leur friandise saine, il fallait proposer toutes les tailles pour couvrir tous les gabarits de chiens.
Tout ce que vous voyez actuellement sur le marché européen sont des produits importés illégalement d’Inde. Les importateurs achètent à des centaines de petits fermiers locaux qui ne respectent pas les normes de qualité, d’hygiène ou de traçabilité."
"Alors que nous en Europe, nous respectons scrupuleusement les normes ISO et BRC"
Je parlais de l’odeur. La couleur marron de ces fromages est due au fait que les fromages sont brûlés. Or l’odeur du brûlé n’attire pas spontanément le chien contrairement à la bonne odeur de lait frais de nos barres à mâcher produites en Belgique.
Nos fromages peuvent aussi facilement se transformer en soufflés en les mettant une minute trente au micro ondes.
" QUELLE EST À AUJOURD’HUI TA PLUS GRANDE FIERTÉ DANS CE PROJET ? "
ROBERT :
"La grande fierté, c'est qu’après deux ans et tout le travail fourni, nous avons réussi à sortir les bâtonnets de fromage dans le respect strict de la recette traditionnelle, un produit impeccable et qui respecte aussi les normes sanitaires européennes.
Quand les gens achètent, ils rachètent derrière, c’est la meilleure preuve que l’on a relevé le défi de proposer aux chiens une friandise à mâcher saine, appétente et durable.
L’objectif maintenant est de se doter des capacités de production. Nous allons faire construire une usine uniquement dédiée à la fabrication du fromage à mâcher pour chiens pour parvenir à une production entre 2000 et 2500 tonnes.
QUEL TRAIT DE CARACTÈRE T’A ÉTÉ LE PLUS UTILE POUR RELEVER CE DÉFI FOU DE FABRIQUER DES FROMAGES À MÂCHER POUR CHIENS ?
ROBERT :
"C'est-à-dire que dès que l’on me dit non, tu ne peux pas importer un produit, ma première réaction, c'est de penser : si tu crois dans ce produit alors trouve une solution pour réussir à fabriquer toi-même ce produit.
Je crois dans le produit et les chiffres le montrent. Ce produit fait plus de 12 000 tonnes aux Etats unis en 7- 8 ans de temps d’activité."
J’IMAGINE MAL QUE TU EN RESTES LÀ ;NOUS NE SOMMES QU’AU DÉBUT DE L’AVENTURE. AS-TU DÉJÀ DE NOUVELLES IDÉES DE DÉVELOPPEMENT DERRIÈRE LA TÊTE ?
ROBERT :
Laissons déjà s’installer le produit sur le marché et faire de ce fromage à mâcher pour chiens un succès !
S’il existe des variantes de goût ou de texture, aux USA l’original fait 80 % des ventes.
Nous travaillons davantage sur les qualités nutritives et composants du produit. D'ici à quelques semaines, nous allons produire des produits similaires sur demande pour de grands distributeurs à partir de lait bio notamment.
QUEL EST LE SECRET DE CET ENTHOUSIASME, DE CETTE ÉNERGIE QUI T’ANIME ET TE FAIT RELEVER DES DÉFIS TOUJOURS PLUS FOUS ?
FANNY :
" Rappelons pour la petite histoire que tu as gravi les sept sommets les plus hauts du monde, après une tentative ratée, tu décides de tenter à nouveau l’ascension de l’Everest pour atteindre son sommet en 2004,
Ton parcours professionnel donne le vertige.
Aujourd’hui, à 74 ans, tu fais encore plus de sport que nous tous réunis…
ROBERT :
Ce qui me motive et que j’aime le matin au réveil, c’est l’idée que je peux travailler et créer quelque chose. Et très souvent, il s’agit de choses auxquelles les autres ne pensent pas ou qu’ils n’osent pas commencer.
Le sport est très important pour moi, il est vrai. Chaque semaine, je fais entre 300 et 350 km à vélo, je cours encore beaucoup et quand j’ai l’occasion, je pars au Népal pour quelques semaines pour de grands trekkings.
Et je me souhaite de pouvoir faire ça encore pour le restant de ma vie !
Une dernière question avant de te laisser. ÇA VEUT DIRE QUOI PRENDRE SA RETRAITE POUR UN HOMME COMME TOI ?
ROBERT :
D’abord prendre ma retraite ce n’est pas un terme inscrit dans mon dictionnaire. Et puis j’espère qu’un jour si j’arrive au ciel ou ailleurs, j’aurai le temps de me reposer !
FANNY :
Merci infiniment d’avoir pris le temps de répondre à mes questions et de m’avoir permis de partager ton parcours, ton histoire et ton enthousiasme si communicatif !